La stimulation basale : un levier essentiel pour les apprentissages des personnes polyhandicapées
- Missions Appuis
- 12 nov.
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Dernière mise à jour : il y a 4 jours
Introduction :
Dans le champ du polyhandicap, l’accompagnement éducatif et thérapeutique fait face à une complexité singulière : les capacités d’expression, de perception et de mobilité y sont souvent profondément altérées. Face à ces défis, la stimulation basale s’impose aujourd’hui comme une approche incontournable, centrée sur la personne dans sa globalité.
Fondée dans les années 1970 par le pédagogue allemand Andreas Fröhlich, cette méthode met en avant l’éveil sensoriel, la communication non verbale et le respect inconditionnel de chaque personne.

Les objectifs de la stimulation basale
Contrairement aux approches éducatives classiques, souvent centrées sur les apprentissages cognitifs, la stimulation basale agit à un niveau fondamental : celui des perceptions corporelles et sensorielles.
Andreas Fröhlich, professeur en pédagogie spécialisée en Allemagne, développe cette approche à partir d’un constat simple : tout être humain possède des potentialités, quelles que soient ses limitations. Son objectif est de permettre à la personne polyhandicapée d’entrer en communication avec le monde à travers ses sens, même les plus élémentaires.
L’approche vise principalement à :
Favoriser la conscience corporelle, c’est-à-dire le ressenti de son propre corps.
Renforcer la communication non verbale, par le regard, le toucher, le mouvement ou la respiration.
Stimuler les sens fondamentaux (toucher, audition, équilibre, proprioception, perception du mouvement).
Améliorer l’interaction avec l’environnement, en permettant à la personne de mieux percevoir, comprendre et agir sur le monde qui l’entoure.

La stimulation basale : une approche globale et individualisée
La stimulation basale propose une approche complète de la personne, personnalisée selon ses besoins, mais toujours ancrée dans des principes de base communs :
L’encouragement : L’un des principes essentiels de cette méthode consiste à inviter la personne polyhandicapée à découvrir son propre corps, à explorer ses capacités et à prendre conscience de ses potentialités. L’encouragement constant renforce la confiance en soi et le sentiment de compétence.
Le toucher : Le toucher occupe une place centrale dans la stimulation basale. Il s’agit d’un toucher de qualité — appuyé, structuré et rassurant — qui favorise la sécurité corporelle et émotionnelle.
La communication : Lorsque le langage oral est limité ou absent, la communication passe par le regard, le toucher, la voix, la respiration, la posture ou encore les sons. Ces moyens non verbaux permettent d’établir un lien authentique et porteur de sens. Tout doit être au rendez-vous pour entrer en communication : un environnement calme sans trop de sollicitations visuelles ou auditives, un climat de confiance, une posture bienveillante, des invitations à participer, interagir, à choisir.
La ritualisation : La journée est structurée par une succession d’activités proposées toujours dans le même ordre, à des moments et dans des lieux identifiés. Cette organisation temporelle et spatiale crée des repères stables et sécurisants. La ritualisation aide la personne polyhandicapée à différencier les temps d’apprentissage des temps de détente ou d’inactivité. Ces repères donnent du sens aux actions, facilitent la compréhension du quotidien et renforcent l’ancrage dans les apprentissages.
La temporalité : Il est essentiel de respecter le temps de la personne, souvent plus long chez une personne polyhandicapé. Lui laisser le temps d'intégrer les informations, le temps de répondre, ménager des pauses dans la communication et les activités afin de permettre une meilleure assimilation.
Le respect : Chaque individu est reconnu comme une personne à part entière, porteuse de besoins, d’émotions et de compétences. L’accompagnement repose sur une attitude bienveillante, respectueuse du rythme, des réactions et des choix de la personne.
Des apports concrets pour les apprentissages et la scolarisation
Pour les enfants polyhandicapés, la stimulation basale représente un socle essentiel sur lequel s’appuient tous les apprentissages :
Éveil sensoriel et perceptif : La démarche favorise la perception du monde, stimule la conscience corporelle, améliore la capacité à recevoir et interpréter des informations, base indispensable à toute acquisition future.
Communication et interaction : Elle facilite le contact, aidant l'enfant à manifester ses émotions ou ses besoins, parfois à travers des canaux non verbaux.
Développement cognitif et attentionnel : En favorisant la curiosité, l'attention et la mémoire à travers des expériences sensorielles répétées, elle prépare doucement le terrain pour des apprentissages plus structurés. Elle encourage également l'exploration et la curiosité.
Insertion sociale et scolaire : En humanisant les interactions, la stimulation basale contribue à briser l’isolement et favorise la relation avec les autres.
La simulation basale en pratique
Plusieurs structures en France ont intégré la stimulation basale dans leur accompagnement. C'est le cas de l’association Envoludia et des Maisons Perce-Neige.
Ces établissements forment leurs équipes à cette approche, favorisant ainsi un accompagnement personnalisé et respectueux.
Chaque résident possède un profil sensoriel individualisé, véritable référence pour adapter les accompagnements au plus près des besoins et des ressentis de chacun.
Cet accompagnement s’appuie ensuite sur trois types principaux de stimulations :
La stimulation vestibulaire (liée au mouvement) aide la personne à mieux percevoir les mouvements de son corps dans l’espace. Elle s’appuie sur des activités qui sollicitent l’équilibre, la position et la mobilité. Par exemple, installer doucement la personne dans une chaise à bascule ou proposer des mouvements de balancement lents et réguliers permet de stimuler le système vestibulaire tout en procurant une sensation de sécurité et de détente.
La stimulation vibratoire (liée au système osseux) consiste à exercer de légères vibrations sur le corps, notamment à travers des massages ou l’utilisation d’objets vibrants. Cette stimulation favorise la perception de l’intérieur du corps et renforce la conscience corporelle.
La stimulation somatique (liée au toucher et à la peau) vise à renforcer la perception de son enveloppe corporelle grâce à des expériences tactiles positives. L’accompagnant utilise ses mains ou divers matériaux (par exemple un gant en fourrure) pour varier les sensations. Le toucher doit être ferme et continu.

La douche sensorielle, pratiquée dans les maisons Perce-Neige, constitue un moment privilégié pour mobiliser l’ensemble des formes de stimulation. Elle permet d’aborder le somatique à travers l’enveloppement corporel et la qualité du contact, le vestibulaire par les mouvements de soins adaptés au profil sensoriel de la personne, ainsi que le vibratoire par les effets du jet d’eau et la musique diffusée pendant la séance.

Pour aller plus loin :
Se former : la stimulation basale n’est pas une technique intuitive. Elle demande une formation spécifique, que proposent notamment des organismes comme le CESAP ou L'atelier des pratiques.
Découvrir le reportage de Denis De Montgolfier :
Découvrir la bibliographie du Centre Ressource Polyhandicap Grand-Est, CRPGE : https://crpge.org/la-stimulation-basale/
Conclusion :
La stimulation basale est avant tout une rencontre authentique entre deux êtres humains : la personne polyhandicapée, souvent vulnérable et dépendante dans de nombreux aspects de son quotidien, et son accompagnant, soutenu par l’ensemble de l’équipe pluridisciplinaire qui l’entoure. Cette approche invite à établir une relation empreinte de délicatesse et d’écoute, presque intime, où l’on apprend à percevoir avec justesse les besoins spécifiques de la personne. Elle suppose une présence bienveillante, un toucher attentif et progressif, une observation fine des réactions et une profonde considération pour le rythme propre à chacun.
La stimulation basale incarne un changement de regard sur le polyhandicap : elle révèle une richesse sensorielle, émotionnelle et relationnelle souvent insoupçonnée, et met en lumière un potentiel d’éveil et de communication à valoriser.
Pour les familles, elle représente un espoir concret d’une meilleure compréhension mutuelle et d’une vie quotidienne plus épanouie. Pour les professionnels, elle constitue un outil précieux pour ouvrir des espaces d’apprentissage, de relation et d’inclusion.


















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