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Polyhandicap : une scolarisation encore à la marge de l’école inclusive

Alors que l’inclusion scolaire des élèves en situation de handicap s’impose comme un pilier des politiques publiques, les enfants et adolescents polyhandicapés restent largement en dehors du champ éducatif. Les données publiées par la DREES en novembre 2025 confirment une réalité à deux vitesses.




Une école plus ouverte, un bilan globalement positif

Vingt ans après la loi du 11 février 2005, l’école française est devenue beaucoup plus inclusive. Selon la DEPP (Direction de l’évaluation, de la prospective et de la performance), le nombre d’élèves en situation de handicap scolarisés en milieu ordinaire a été multiplié par 3,2 entre 2006 et 2024, soit une progression de +219,7 %.

Dans le second degré, la hausse est encore plus spectaculaire : de 34 900 élèves en 2006 à 187 800 en 2024, soit une multiplication par 5,4. Les élèves en situation de handicap restent désormais plus longtemps dans le système scolaire, notamment au collège et au lycée.

« Les élèves en situation de handicap restent plus longtemps dans le système scolaire, notamment au collège et au lycée », souligne la DEPP dans sa note d’information 2025-063.

Cette évolution repose sur la généralisation des dispositifs d’inclusion (ULIS, AESH, classes externalisées) et sur une meilleure articulation entre établissements scolaires et médico-sociaux.



Le polyhandicap, grand oublié de l’inclusion

Cette dynamique d’ouverture ne profite pas à tous. Les enfants et adolescents polyhandicapés — ceux qui cumulent des déficiences motrices et intellectuelles sévères, souvent associées à des troubles sensoriels ou de la communication — restent très largement exclus des parcours scolaires classiques.

L'évolution depuis 2018

En sept ans, la part de jeunes polyhandicapés ayant accès à une scolarisation a progressé d’environ 18 points. Sur le long terme (2010–2022), la DREES estime une hausse de +21 points. Une progression réelle, mais encore très en deçà des autres déficiences.

Année

Part estimée d’enfants polyhandicapés non scolarisés

Source

2018

≈ 80 %

Ressources École Inclusive — https://ressources-ecole-inclusive.org/les-posters-ecole-inclusive/la-scolarisation-des-eleves-polyhandicapes/

2020

≈ 76 %

DREES, Document de travail n°28 — https://drees.solidarites-sante.gouv.fr/sites/default/files/2020-08/dd28.pdf

2025

62 %

DREES, Études & Résultats n°1352 — https://drees.solidarites-sante.gouv.fr/sites/default/files/2025-11/ER1352%20Scolarisation%20handicap.pdf


Les chiffres 2025 : un contraste frappant

Selon la DREES (Études & Résultats n°1352, novembre 2025) :

« 62 % des jeunes polyhandicapés accompagnés par un établissement ou service médico-social ne sont pas scolarisés. »

Autrement dit, seuls 38 % bénéficient d’une forme de scolarisation, qu’elle soit en milieu ordinaire ou au sein d’une unité d’enseignement médico-sociale. Alors que huit à neuf enfants sur dix sont aujourd’hui scolarisés dans la plupart des situations de handicap, à peine quatre sur dix le sont lorsqu’il s’agit de polyhandicap.

Type de déficience principale

Milieu ordinaire

Unité d’enseignement médico-sociale

Non scolarisés

Total scolarisés

Déficience intellectuelle

44 %

36 %

20 %

80 %

Troubles du spectre de l’autisme

38 %

41 %

21 %

79 %

Trouble psychique

53 %

23 %

24 %

76 %

Déficience motrice

66 %

24 %

10 %

90 %

Déficience sensorielle

80–95 %

5–18 %

4–5 %

95 %

Polyhandicap

10 %

28 %

62 %

38 %

Ces résultats, limités au périmètre des institutions médico-sociales, ne reflètent qu’une partie de la réalité. Une proportion inconnue, mais significative, d’enfants polyhandicapés vit hors établissement et demeure absente des statistiques. Leur visibilité est d’autant plus faible que le polyhandicap associe des déficiences multiples qui compliquent leur orientation, leur prise en charge et leur accès à l’école.


Une scolarisation souvent partielle

La DREES considère comme scolarisé tout enfant suivant un enseignement, quel qu’en soit le lieu ou la fréquence. Un élève bénéficiant de quelques heures hebdomadaires d’activités éducatives dans une unité médico-sociale est donc compté au même titre qu’un élève à plein temps.

Selon la DGESCO, les enfants polyhandicapés scolarisés le sont souvent de 2 à 6 heures par semaine, en contexte médico-social. Cette méthode de comptage surestime la réalité éducative et masque la fragilité des parcours.



Des inégalités qui s’accentuent avec l’âge


Les écarts se creusent avec le temps. En moyenne, 82 % des enfants de 6 ans en situation de handicap sont en milieu ordinaire, contre 58 % des jeunes de 15 ans. 


Chez les adolescents polyhandicapés, cette chute est encore plus marquée : peu d’unités d’enseignement adaptées dans le secondaire, quasi-absence de continuité après 15 ans, et manque d’alternatives éducatives.


« Beaucoup d’adolescents polyhandicapés se retrouvent sans solution scolaire réelle, dans un entre-deux institutionnel », constate la DREES.



Les freins persistants


Trois facteurs principaux expliquent cette exclusion structurelle :

  1. Des besoins médicaux et éducatifs complexes, nécessitant un accompagnement constant.

  2. Une formation insuffisante des enseignants et des accompagnants sur le polyhandicap.

  3. Une articulation encore fragile entre les établissements scolaires et le secteur médico-social.


Les unités d’enseignement implantées dans les établissements spécialisés offrent souvent un temps éducatif limité, centré sur la communication, la stimulation ou la socialisation.



Une stratégie nationale en construction

La Stratégie nationale “Handicap et Polyhandicap 2023–2027” entend améliorer cette situation. 


Elle prévoit :

  • la création d’unités d’enseignement externalisées (UEE) adossées à des écoles ordinaires ;

  • le développement de plateformes médico-éducatives territoriales ;

  • la formation renforcée des enseignants et accompagnants ;

  • et l’évaluation qualitative du temps et du contenu de la scolarisation.


Mais ces dispositifs restent encore expérimentaux et très inégalement déployés selon les territoires.



Redéfinir le droit à l’éducation

La France a considérablement progressé dans l’inclusion scolaire, mais le polyhandicap demeure un angle mort. 


En 2025, 62 % des enfants polyhandicapés ne sont toujours pas scolarisés, et seulement 10 % accèdent à une école ordinaire. Leur scolarisation, lorsqu’elle existe, reste souvent partielle, fragmentée ou symbolique.


Les progrès observés montrent qu’un changement est possible, mais ils appellent à une redéfinition du droit à l’éducation : passer d’une logique de présence à l’école à une véritable qualité de l’expérience éducative, adaptée à chaque enfant, dans une approche articulant soins, apprentissages et accompagnement.


Analyse, recherche et rédaction, Audrey BOULOGNE et Emma VEROT, CR ScoPoly.


Références principales


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